Trépanations et déformations crâniennes volontaires

Février 2016

III. - TREPANATIONS & DEFORMATIONS CRANIENNES VOLONTAIRES

Si Egyptiens et Grecs n’accordent qu’une importance secondaire au crâne, dans leur représentation des principes vitaux, l’époque préhistorique semble, au contraire, y prêter une importance extrême. Que le crâne soit un trophée, que l’on y prélève des amulettes ou encore qu’il soit richement décoré, il est alors un élément central des pratiques.


Espace d’expression par excellence, le visage, le crâne, la bouche, bénéficient également de multiples transformations, dont l’interprétation demeure cependant d’une extrême difficulté.

Trépanation, déformations crâniennes volontaires, avulsions dentaires, limage des dents, autant d’interventions anté ou post-mortem, qu’il faut parvenir à différencier de l’accident, de l’intervention thérapeutique ou des multiples possibilités d’incidents post-mortem.

A. Trépanations

Apparue au moins dès le Mésolithique (env. 12 000 ans avant l’ère commune), pour connaître un véritable épanouissement au Néolithique (9000 à 3300) la pratique de la trépanation consiste à pratiquer un orifice dans un os, en l’occurrence dans la calotte crânienne. Cette «intervention chirurgicale» est probablement l’une des plus anciennes qu’il nous soit possible de connaître aujourd’hui, grâce aux découvertes archéologiques. Les progrès scientifiques permettent, désormais, de distinguer la trépanation d’une perforation pathologique : taille de l’os en biseau, traces de cicatrisation, traces d’incision et, à la radiographie, présence d’une lamelle d’os néoformé dessinant un anneau dense circonscrivant l’orifice.


Si les premiers crânes perforés ont été découverts au XVIIè siècle (découverte de Monfaucon à Cocherel en 1687) - encore ne s’agit-il que de très rares découvertes -, c’est surtout à compter du XIXè siècle que l’archéologie fournit la majorité des collections dont nos disposons. Ce n’est pourtant que plus tardivement que les chercheurs s’intéressent à ces orifices.

On retrouve des crânes trépanés en grande quantité sur la surface de la planète, mais avec de grandes variations suivant les aires géographiques. Ainsi, l’Europe, l’Afrique du Nord et l’Amérique du Sud (avec une prévalence du Pérou) en livrent un grand nombre, alors qu’ils sont plus rares, voire inexistants, en Egypte ou dans certaines zones d’Extrême Orient ou d’Afrique Noire. On ne trouve, effectivement, aucune mention de cette pratique sur le papyrus médical Smith (env. 1550 AEC) mais, un crâne daté du VIè siècle avant l’ère commune a été retrouvé à Giza, prouvant l’existence de la trépanation dans cette zone géographique au moins à certaines époques. En 1996, on en comptait plus de 250 pour la France, 150 pour l’Allemagne et l’Europe centrale, une centaine pour les péninsules méditerranéennes, quelques dizaines pour les îles britanniques et la Scandinavie. Enfin, les crânes trépanés sont à 75 % masculins et, dans les deux tiers des cas étudiés, l’intervention a été pratiquée sélectivement à gauche (Suzanne Eades, 1996). Le choix privilégié de la région temporale  a ceci de particulier que cette zone connue aujourd'hui sous le nom d’ « espace décollable » de Gérard-Marchant, permet l’ouverture de l’os crânien en évitant aisément d’endommager la dure-mère. Un constat s’impose également : sur l’ensemble des crânes étudiés, l’état d’avancement de la cicatrisation osseuse permet de conclure à la réussite, à près de 90 % de ces opérations, le risque majeur étant l’hémorragie, les mouvements du patient non anesthésié et le manque d’asepsie.

Les techniques les plus couramment utilisées au Néolithique sont au nombre de cinq :


Le grattage circulaire à l’aide d’un éclat de pierre est la technique la plus répandue au Néolithique. Il est probable qu’une tige résistante serve de levier une fois l’os traversé, permettant l’incision de proche en proche.

Le grattage avec pierre abrasive plate. Dans ce cas, les orifices sont ellipsoïdes à biseau long.

La rotation d’une suite de pierres pointues à angle de plus en plus obtus, ce qui produit un orifice conique.

La rotation d’une pierre pointue que l’on fait osciller, ce qui produit de petits orifices au pourtour ellipsoïde irrégulier.

L’incision en cercle au moyen de la pointe de silex, ce qui produit des rondelles crâniennes portées en amulette. Cette pratique conduit à la mort du patient ou est utilisée post-mortem.


Le plus ancien crâne offrant des traces de trépanation, en outre cicatrisée, est, à ce jour, celui découvert à Taforalt, au Maroc, dans la grotte des Pigeons, daté de l’épipaléolithique (env. 12 500-12 000 ans). On trouve également des crânes trépanés dans la vallée du Jourdain, à Jéricho, où la trépanation est pratiquée depuis déjà les années 8 350-6 000 AEC. Les plus anciennes traces de trépanation en Europe, remontent au dernier quart du sixième millénaire avant l’ère commune. Elles ont été découvertes en Alsace, à Ensisheim, en 1996, par Christian Jeunesse, lors d’une campagne de fouilles dans la nécropole rubanée des « Octrois », qui a permis la mise au jour d’un crâne ayant subi une double trépanation, par raclage et sciage, dont la cicatrisation osseuse permet de supposer une survie de plusieurs années à l’opération (Jeunesse, 1996).

En Chine, les plus anciens crânes trépanés découverts remontent à environ 4900-2000 avant l’ère commune ; il prouvent une parfaite maîtrise de la technique. Deux crânes découverts à Lakish (Palestine) et datés des environs de 690 avant l’ère commune, permettent de constater que la trépanation avait été réalisée à l’aide d’une scie.

Sur certains crânes, on retrouve des traces d’opérations qui semblent incomplètes ou mineures. C’est le cas sur les restes retrouvés à Aksha en Basse Nubie (actuel Soudan).

Crâne trépané de Taforalt (Maroc), le plus ancien découvert

Crâne trépané de Taforalt (Maroc), le plus ancien découvert

Crâne à double trépanation - Fouilles Christian Jeunesse - Photo musée de la Régence - Enisheim.

Crâne à double trépanation - Fouilles Christian Jeunesse - Photo musée de la Régence - Enisheim.

D’autres crânes présentent une opération plus rare, couramment appelée, suivant la dénomination formulée par Manouvrier, « marque sincipitale en T ». Exclusivement rencontrée sur des crânes d’enfants ou de femmes, son interprétation demeure extrêmement problématique. Certains avancent une pratique magique initiatique ou encore une forme de punition ou de tatouage.

Plus proche de nous, la chirurgie crânienne pratiquée dès les années 200 à 600 dans les Andes du Sud, sans qu’il soit cependant possible d’affirmer qu’il s’agisse d’une technique généralisée, se retrouve encore sous l’empire Wari, dans les Andes péruviennes dans les années 600 à 1 000.

Dans le cas des populations d’Andahuaylas étudiées par Danielle Kurin (Université de Californie à Santa-barbara) en 2012-2013, on remarque une prévalence des trépanations exécutées sur les adultes, les hommes et les individus ayant subi une modification crânienne. Il semblerait que cet acte ait été interdit sur les enfants et les femmes. Cette prévalence est également vérifiée sur plusieurs sites anté-historiques européens (Grandes Causses par exemple, avec un ratio de trois hommes pour une femme et de très rares interventions sur les enfants). Par ailleurs, sur deux-cent-quatre-vingt-quatre crânes examinés, trente-deux sont trépanés ; 28 % de ces trente-deux crânes sont perforés de plus d’un trou et l’on dénombre en tout 45 actes de trépanation. Les techniques employées, que ce soit dans ce secteur ou dans sa périphérie, les méthodes employées sont également différentes : grattage, découpage ou percement circulaire, forage ou cannelures, découpage quadrangulaire

Dans une histoire plus récente, les crânes incas trépanés offrent à voir une forme quadrilatère, répondant à l’outil utilisé pour cette opération, à savoir un tumi (couteau tranchant).


Il semble que par la suite, ce type d’intervention se raréfie, puisqu’on en trouve très peu de traces à l’âge des métaux et au Moyen Age, qu’elle est interdite radicalement en Amérique du Sud par les Espagnols au XVIè siècle, avant de renaître au XIXè siècle.

Diverses formes de trépanation

Diverses formes de trépanation

Tumi d’or Lambayeque - Couteau cérémonial de Sipán au Pérou (80-1050) - Ethnologisches Museum Dahlem à Berlin - Ph. Gryffindor

Tumi d’or Lambayeque - Couteau cérémonial de Sipán au Pérou (80-1050) - Ethnologisches Museum Dahlem à Berlin - Ph. Gryffindor

Les conjectures quant à l’origine de la pratique de la trépanation associent de multiples facteurs, depuis la réduction de fractures, le soulagement de la pression intracrânienne à la suite de traumatismes divers, jusqu’à la tentative de résoudre des troubles neurologiques, épileptiques ou céphaliques. A l’évidence, les populations ayant utilisé cette technique ont considéré que le bénéfice de ce traitement était supérieur aux risques encourus.

Malgré l’aspect thérapeutique indéniable, la question d’une utilisation aussi systématique de la trépanation ne s’explique pas uniquement par ce facteur. Particulièrement si l’on affine l’étude des populations sur lesquelles ces interventions sont réalisées.


Les échantillons anté-historiques étudiés en France, qu’il s’agisse des crânes des Grands Causses, de Provence ou du Bassin parisien, excluent l’association systématique traumatisme-trépanation, au contraire de ce qu’il est possible de rencontrer dans l’Amérique précolombienne. Les travaux réalisés par Danielle Kurin, par exemple, ont permis d’établir une corrélation entre la période de trouble causée par l’effondrement de l’empire Wari, de multiples traumatismes crâniens, et la pratique de la trépanation, à la fois dans le gisement d’Andahuaylas et plus largement dans tout le centre-andin.

Toutefois, si l’association entre la violence et la trépanation n’est pas aussi manifeste en Europe, le plein épanouissement de cette pratique correspond indéniablement aux signes de conflits.

Les hypothèses émises au sujet des interventions qu’apparemment aucun traumatisme ne justifie, ont pour base des écrits anciens, ainsi que les pratiques observées chez certaines populations par les premiers ethnologues et les observations cliniques actuelles. Ainsi a-t-on pu envisager des raisons tout à fait objectives, comme les céphalées, l’épilepsie, ce que l’on appelait la folie, des problèmes neurologiques… Encore faut-il replacer ces maux dans le contexte de civilisations traditionnelles, animistes, chamaniques, dans lesquelles religion et magie thérapeutique sont intiment liées, et les pathologies envisagées comme la manifestation d’une entité qui en serait responsable. Ouvrir une brèche dans le siège du mal pouvait tout à fait être considéré comme le moyen de faire sortir cette entité, ce mauvais esprit, du crâne du malade. Une telle pratique est cohérente avec une opération symbolique intégrée dans une médecine traditionnelle, fut-elle empirique, mais peut relever également de la sphère rituelle. Ces deux voies de réflexion sont, au demeurant, les hypothèses principales actuellement étudiées.


Or, d’une part, les ethnologues ont pu observer des pratiques de « décompression » de la douleur provoquée par des céphalées résistantes, tant dans les îles Loyauté qu’en Afrique du nord, au début du XXè siècle encore, et le témoignage des conquistadors sur les pratiques incas vient aussi appuyer ces constatations, qui nous ramènent à la mise en œuvre d’une médecine empirique traditionnelle.

La tentative de résorption des céphalées persistantes du pape Clément, au moyen d’une trépanation effectuée par Guy de Chauliac, ou bien encore celle de guérison des crises d’épilepsies du roi Charles VI par le même moyen, apportent une illustration supplémentaire de cette hypothèse. Cette dernière opération fut réalisée par Gérard Lacombe, « ung fizicien ou medecin tres excellent, lequel medicina le roy et lui fit purgacion par la teste. Par quoy il assouaga » (Guenée, 2004). On peut ajouter que l’épilepsie, nommée également mal d’Hercule, puis mal de saint Jean, s’inscrit, par cette dénomination même, dans la sacralité.

La croyance selon laquelle les perturbations de l’humeur, les troubles mentaux, sont l’expression d’une possession démoniaque se coule dans un continuum qui s’étend au-delà du Moyen Age et suscite des pratiques de désenvoûtement ou d’exorcisme qui voient se mêler, suivant les cultures, médecine et religion, où même prédominer la religion sur la médecine.


D’autre part, des pratiques spécifiquement rituelles, celles-là, rapportées par des ouvrages tibétains, consistent en une petite trépanation destinée à ouvrir le « troisième œil ». L’artiste peintre Christiane Allenbach affirme, en 2013, avoir vu des ses propres yeux, une plume plantée verticalement dans l’orifice ainsi obtenu. Il a été également envisagé que certaines trépanations aient été effectuées dans un but sacrificiel, avec pour objectif l’extraction du cerveau du/de la sacrifié-e. Mais il ne s’agit que de conjectures que rien ne vient étayer en l’état actuel de la recherche.

L’hypothèse de trépanations rituelles a été émise également pour la période grecque. En effet, la découverte de cinq crânes argiens (XIIIè siècle AEC) présentant des trous multiples sur des os d’apparence saine, sans trace de cicatrisation, laisse supposer des interventions post-mortem sans but médical. Par extension, la probabilité d’interventions rituelles sur des cadavres puis, sur des vivants, est envisageable, y compris même dans le cadre de meurtres rituels (Grmek, 1983).

De la même façon, et plus proche de nous dans le temps, la population bulgare médiévale, la culture Saltovo-Mayaki des VIIIè et IXè siècles, semble bien avoir procédé à des trépanations symboliques, qu’Irina Reshetova analyse comme un geste rituel. Elle relève, en effet, que plusieurs crânes ont subi plusieurs trépanations inachevées, localisées sur des points très particuliers. Ces trépanations symboliques pourraient indiquer le statut social spécifique de la personne ou encore la pratique d’un rite initiatique. Les couteaux employés au cours de ces opérations, se distinguent très nettement du couteau usuel. En outre, un artefact d’argent a été découvert dans une tombe, dont Reshetova pense qu’il devait être utilisé comme gabarit lors des interventions. Il semblerait que, bien que la trépanation symbolique ait été pratiquée au cours des différentes phases du développement des groupes culturels et ethniques bulgares, elle se soit surtout répandue dans la première partie du Moyen Age, au cours de la période de migration des Turcs en direction de l’Occident. Les sépultures fouillées dans la Grande Plaine hongroise, dans lesquelles ont été mis au jour des crânes trépanés, contiennent un mobilier d’une richesse très nettement supérieure. Par ailleurs, les individus ayant subi cette opération proposent une diversité ethnique statistiquement supérieure à ce que l’on trouve dans les groupes non trépanés.

Gabarit de trépanation en argent

La fréquence des trépanations symboliques découvertes sur les dépouilles de la zone du Don-Donets a amené beaucoup de chercheurs à associer ce type de pratique à l’ethnie bulgare. Certains chercheurs ont proposé, comme explication, l’hypothèse selon laquelle les individus trépanés seraient issus de l’élite militaire turque, ce qui serait cohérent avec la datation des tombes et l’histoire de la migration turque vers l’Occident (IXè-Xè siècles). On remarque en outre une corrélation entre la disparition de cette tradition et la pénétration du christianisme. Ces éléments ne permettent toutefois aucune conclusion définitive (Reshetova, 2012).


Les trépanations post-mortem offrent également un champ de réflexion non encore définitivement borné. A la nécessité, pour les praticiens, y compris au mésolithique, de s’entraîner, s’ajoutent la possibilité de ce que l’on appellerait aujourd’hui l’autopsie, les nécessités de certaines techniques d’embaumement ou de pratiques mortuaires, mais aussi des prélèvements à usage supposé de talisman.

Ces prélèvements talismaniques, appelés plus couramment « rondelles crâniennes », ont tout d’abord donné lieu à des interprétations rituelles, mais aussi thérapeutiques. De formes circulaire, ovalaire, ellipsoïdale, semi-lunaire, en croissant, carrée, triangulaire, trapézoïdale ou irrégulière, de tailles variables, ces « rondelles »demeurent encore source d’interrogations multiples.

En premier lieu, leur nombre est sans commune mesure avec le nombre de crânes trépanés recensés. Par ailleurs, leur apparition remonte au Magdalénien. Certaines sont polies en bordure et percées d’un trou susceptible de laisser passer un lacet afin de les suspendre. Broca voit dans cette dernière possibilité, la manifestation d’une utilisation de ces rondelles en tant que reliques, souvenirs ou même objet décoratif. Certaines sont d’ailleurs gravées.

Le fait que des fragments aient été prélevés en bordure de trépanations cicatrisées abonderait en faveur de l’hypothèse prophylactique, la survie de l’opéré dotant son crâne d’une aura particulière.

Loïc Hibon rapproche la possibilité d’une utilisation prophylactique de ces prélèvements et la découverte, sous le dolmen des Dèvèzes, par Prunières, de six rondelles disposées sur un crâne, en relation étroite avec les os pathologiques correspondants (Hibon, 2002).

Enfin on peut rappeler que la poudre d’os, particulièrement la poudre d’os du crâne, fait partie de la pharmacopée utilisée encore au Moyen Age et même au delà.

Caspar Berthelsen Bartholin (1585-1629), médecin et théologien danois (aujourd’hui suédois)

Caspar Berthelsen Bartholin (1585-1629), médecin et théologien danois (aujourd’hui suédois)

On peut rappeler notamment la poudre anti-épileptique de Caspar Bartholin (Pulvis epilepticus nobilissimus Bartholini), composée d’ingrédients aussi variés qu’un crâne humain calciné, des os humains calcinés, des os de lézards verts, du gui de chêne, de la racine de pivoine, des semences de pivoine, de l’antimoine préparé, de l’ongle d’élan et de l’ongle d’âne, sans oublier le sucre blanc (AJL Jourdan, 1840).


Si l’on peut remarquer un abandon progressif de la trépanation, que semblent supplanter peu à peu des pratiques telles que la scarification et le tatouage, on note aussi un bouleversement des normes imaginaires quant au siège possible de l’esprit ou de l’âme. Ainsi celui-ci devient-il très tôt, dans l’Antiquité, le cœur.

Cependant, nombre de cultures et de religions n’en conservent pas moins un imaginaire dans lequel le crâne rempli encore cette fonction de transition de l’esprit en direction de la voûte céleste. C’est le cas en Inde où l’habitation est une représentation de la manière de laquelle est considéré le corps et s’inscrit dans une conception religieuse maison-Cosmos-corps. La colonne vertébrale, par exemple, figure le Pilier cosmique (skambha), le nombril ou le cœur le « Centre du Monde ».

Suivant ce concept, maisons et temples sont considérés à l’égal d’un corps et chacune de ces entités maison-Cosmos-corps peut recevoir une ouverture supérieure rendant possible le passage vers l’autre monde (Eliade, 1965). L’orifice supérieur d’une tour indienne est désignée, entre autres noms, par celui de brahmarandhra. Or, le même terme désigne l’ouverture se trouvant au sommet du crâne, par laquelle doit s’envoler l’âme. La coutume est d’ailleurs de briser le crâne des yogis morts pour permettre le départ de l’âme.

Planche de médecine traditionnelle tibétaine conservée au Chian Scince and Technology Museum, Beijung - Ph. Mlogic - s.d. - https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AAncient_Tibetan_Medicine_Poster.jpg

Planche de médecine traditionnelle tibétaine conservée au Chian Scince and Technology Museum, Beijung - Ph. Mlogic - s.d. - https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AAncient_Tibetan_Medicine_Poster.jpg

Suivant ce concept, maisons et temples sont considérés à l’égal d’un corps et chacune de ces entités maison-Cosmos-corps peut recevoir une ouverture supérieure rendant possible le passage vers l’autre monde (Eliade, 1965). L’orifice supérieur d’une tour indienne est désignée, entre autres noms, par celui de brahmarandhra. Or, le même terme désigne l’ouverture se trouvant au sommet du crâne, par laquelle doit s’envoler l’âme. La coutume est d’ailleurs de briser le crâne des yogis morts pour permettre le départ de l’âme.

Eliade relève également qu’en Europe, comme en Asie, l’âme du mort sort par la cheminée ou le toit (angle sacré, en Asie). En Chine primitive, la voie de communication permettant la connexion entre les hommes et les dieux, symbolisée par le pilier du ciel, voie sacrée permettant un perpétuel échange entre les deux mondes et la régénération de l’humanité, se concrétise au moyen d’un trou dans la toiture de l’habitation puis, par la suite, par un pilier de bois placé au centre de la pièce, au pied duquel on prie et on sacrifie (Zheng, 1989).

Rolf Stein rappelle que pour les Tibétains, comme pour les taoïstes chinois, il existe un vaisseau sanguin central, appelé « échelle de l’espérance », qui va de la base de la colonne vertébrale au sommet du crâne. Cette échelle sert à l’ascension de l’âme (bla), depuis la plante du pied (gauche pour les hommes, droit pour les femmes) jusqu’au sinciput, tout au long de la vie et au jour de la mort.

Chaque jour, suivant le cycle lunaire à compter de la nouvelle lune, l’âme monte de plus en plus haut jusqu’à atteindre le vertex puis revenir à sa position initiale. Au moment de la mort, elle franchit la voûte crânienne pour se dissoudre dans le ciel. Le Lama permet ce transfert en trouant le sommet du crâne du mourant (Stein, 2011).

On retrouve cet acte dans la tradition celtique également, sous diverses formes, mais avec une constante : celle du maillet par lequel une divinité peut donner la mort mais aussi la vie, assurant donc le passage.

C’est la figure de Daghdha , régulateur du cycle vital universel, et son maillet, en Irlande, de Sucellus et son maillet, en Gaule, de l’Ankou avec son bourdon ou son bâton, en Bretagne, mais aussi de Thor et son marteau dans les pays Nordiques. Ce maillet béni (horzh ou mell benniget), dont l’existence et l’utilisation sont attestées jusqu’au XIXè siècle, sert à abréger les souffrances des mourants, par imposition sur le front, forme sans doute atténuée d’une pratique initiale plus radicale. En 1906 encore, il est question, d’une hache protohistorique longtemps conservée par une famille de Corseul et que l’on vient emprunter « pour que les agonisants puissent l'embrasser au moment de mourir ».

Le fait que les figurations de haches se trouvent majoritairement à l’entrée des couloirs et des chambres des sépultures mégalithiques du néolithique armoricain, aurait tendance à accréditer l’hypothèse d’une mutation de certaines pratiques et de leur transfert dans des récits religieux plus élaborés.

Le dieu Sucellus avec son marteau. - Bas-relief gallo-romain. Musée Archéologique. Nîmes. © Hervé Champollion / akg-images

Le dieu Sucellus avec son marteau. - Bas-relief gallo-romain. Musée Archéologique. Nîmes. © Hervé Champollion / akg-images

On retrouve trace également dans la toponymie, de l’importance de ce « maillet béni ». En effet, une note du linguiste Joseph Loth (1847-1934), permet d’identifier la chapelle de Locmeltro, en Guern à, littéralement, la chapelle du vallon de la boule. De fait, une boule en granite de trois kilogrammes, découverte dans un placard de la sacristie de cette chapelle, est conservée actuellement au presbytère de Guern. Le patronage de cette chapelle par un saint tout à fait inconnu du nom de Meldeoc, si l’on en suit Aveneau de La Grancière apparaît comme une volonté manifeste de christianiser les lieux en leur attribuant un nom justifiant celui du site dans une ultime et vaine tentative pour gommer l’existence d’une pratique rituelle qui s’y déroulait.

De fait, on retrouve toujours trace de cette mémoire dans la tradition orale, sous diverses formes. Joseph Loth rapportait, en 1903, que l’on disait couramment, dans le pays de Guéméné-sur-Scorff, en parlant d’un vieillard d’une remarquable longévité, qu’il était temps de l’envoyer à Locmeltro.


Autre variation, dans le Barzaz Breiz, l’âme quittant le corps déclare « j’entends les coups du petit marteau de la mort ».

Le départ de l’âme


Venez entendre chanter le départ de l’âme bienheureuse au moment où elle quitte sa demeure.

Elle abaisse un peu son regard, son regard vers la terre, pour parler à son pauvre corps.

L’âme

Hélas ! mon corps, voici l’heure dernière venue ; il faut que je te quitte et que je quitte ce monde.

J’entends les coups du petit marteau de la Mort : ta tête tourne ; tes lèvres sont froides comme la glace.

Le corps

Si mon visage est horrible, si mes yeux sont verdâtres, vous dites vrai, il faut que vous me quittiez.

Vous ne reconnaissez plus, vous méprisez votre pauvre ami ; hélas ! je suis si défiguré.

La ressemblance est mère de l’amour ; puisque vous n’en avez plus avec moi, laissez-moi à l’écart.

L’âme

Non, cher ami, je ne vous méprise pas ; de tous les commandements vous n’en avez violé aucun ;

Mais Dieu veut (bénissons sa bonté), Dieu veut mettre un terme à mon autorité et à votre sujétion.

Nous voilà désunis par la mort sans pitié ; me voilà toute seule entre ciel et la terre,

Entre le ciel et la terre, comme la petite colombe bleue qui s’envola de l’arche pour aller voir si l’orage durait encore.

Le corps

Oui ; mais la petite colombe bleue revint à l’arche, et vous ne reviendrez pas vers moi.

L’âme

Je reviendrai, vraiment, je te le jure ; je me retrouverai avec toi au jour du jugement ;

Je me retrouverai avec toi, aussi vrai que je vais maintenant paraître au jugement particulier, ce qui me fait hélas ! trembler !

Aie confiance, ami ; après le vent du nord-ouest, la mer devient calme ; je viendrai te donner la main ;

Et quand même tu serais aussi lourd que du fer, lorsque j’aurai été dans le ciel, je t’attirerai vers moi comme un aimant.

Le corps

Quand je serai, chère âme, étendu dans la tombe et détruit en terre par la corruption ;

Quand je n’aurai ni doigt, ni main, ni pied, ni bras, ce sera vraiment que vous essayerez de m’élever à vous.

L’âme

Celui qui a créé le monde, sans modèle ni matière, a le pouvoir de te rendre ta première forme ;

Celui qui t’a connu lorsque tu n’étais pas, pourra bien te trouver où tu ne seras pas.

Nous nous reverrons alors, aussi vrai que je me rends maintenant devant le terrible tribunal ; aussi vrai, hélas ! que j’en tremble !

Aussi vrai que j’en tremble, hélas ! aussi faible, aussi frêle que la feuille emportée par un coup de vent. -

Mais Dieu entend l’âme ; Dieu lui répond bien vite : - Courage, pauvre âme, tu ne seras pas longtemps en peine ;

Tu m’as servi pendant que tu étais au monde ; maintenant tu vas avoir part à mes félicités. -

Et l’âme toujours s’élevant de jeter encore un regard vers en bas, et de voir son pauvre corps couché sur les tréteaux funèbres.

L’âme

Bonjour, mon pauvre corps, bonjour, je retourne la tête par grand’pitié pour toi.

Le corps

Cessez, chère âme, cessez de m’adresser des paroles dorées ; poussière et corruption sont indignes de pitié.

L’âme

Sauve ta grâce, ô mon corps, tu en es vraiment digne, digne comme le vase de terre qui a renfermé des parfums.

Le corps

Adieu donc, ô ma vie, adieu puisqu’il le faut ; que Dieu vous mène aux lieux où vous souhaitez d’aller.

Vous serez toujours éveillée ; mais hélas ! je dormirai ! ne m’oubliez pas, et hâtez l’heure du retour.

Mais comment êtes-vous, dites-moi ? Vous paraissez si gaie de me quitter, et moi je suis si triste !

L’âme

J’ai échangé des ronces contre des roses, et du fiel très amer conter du miel très doux. -

Alors gaie et vive comme une alouette, l’âme monte, monte, monte encore vers le ciel.

Une fois arrivée, elle frappe à la porte, et demande à entrer à monseigneur saint Pierre.

L’âme

O vous seigneur saint Pierre, vous qui êtes si bon, vous me recevrez, n’est-ce pas, dans le paradis de Jésus ?

Saint-Pierre

Oui, tu seras reçue dans le paradis de Jésus, car lorsque tu étais au monde, tu l’as reçu chez toi. -

L’âme au moment d’entrer, détourne encore la tête, et voit son pauvre corps, comme une taupinée.

L’âme

Au revoir, mon corps, et merci ! Au revoir, au revoir, dans la vallée de Josaphat.

J’entends des concerts, tels que je n’en entendis jamais ; les nuages fuient, le jour brille !

Me voilà fleurissant comme un rosier au bord du ruisseau de la Vie, dans le jardin du paradis.

Ce bruit est celui de l’anobie, ou vrillette, qui vit dans le bois jusqu’à le rendre vermoulu, bruit caractéristique qui, en français, lui a valu le surnom d’horloge de la mort, ses coups en étant le présage.


Claude Sterckx signale, pour sa part, l’existence encore attestée au XIXè siècle, d’un holy mawle, conservé à l’église et « servant aux fils à casser la tête de leur père lorsque celui-là atteignait soixante-dix ans ». Rapportée par John Aubrey (1626-1697) dans un manuscrit de 1688, cette tradition dont on ignore le développement géographique exact, se rattache selon toute vraisemblance à la pratique bretonne du mell benniget, ce qui suppose une imposition du maillet sur le front, plutôt qu’un acte violent.

A l’inverse, en Ecosse, on baigne les malades dans une eau dans laquelle a été au préalable immergé le maillet béni de saint Fillian, tandis qu’en Irlande, le maillet béni est imposé sur le front des nouveaux-nés pour leur assurer vie et vitalité.


Cette utilisation du maillet, du bâton, est également présente dans les religions gréco-romaines, puisqu’il est possible de lire, dans l’Enéide :

« Il [Jupiter] avait dit et Mercure se disposait à exécuter les ordres de son souverain père. Il commence par attacher à ses pieds ses sandales d’or, dont les ailes le soutiennent dans les airs et l’emportent au dessus des eaux ou de la terre aussi vite que les souffles rapides ; puis il prend sa baguette ; c’est avec elle qu’il rappelle du fond de l’Erèbe les pâles Ombres, ou en plonge d’autres dans le triste Tartare, qu’il donne ou ravit le sommeil et rouvre les yeux fermés par la mort. » (Enéide, IV : 238-244)

Vestige de ces pratiques authentiquement païennes et extrêmement anciennes, existerait, depuis le XVIIè siècle,  un rituel pontifical consistant, pour le Camerlingue, à frapper par trois fois, à l’aide d’un marteau en argent ou en ivoire, le front du pape, afin de s’assurer de sa mort et avant d’annoncer officiellement le décès. Ce rituel aurait été pratiqué jusqu’au décès de Pie XII en 1958.

L’existence de ce rituel est démentie par Hartwell de La Garde Grissel, chambellan d’honneur di numero sous les papes Pie IX, Léon XIII et Pie X, cependant Alberto Melloni, vaticaniste italien, réaffirme sa réalité en 2005.

Vraie ou fausse, il convient de considérer cette anecdote, cependant, pour toute la symbolique qu’elle recèle dans la mesure où, pour un chrétien, à la mort du corps succède la vie éternelle. Ce qui réintroduirait en l’espèce, la double notion du maillet qui donne à la fois vie et mort.


Investi d’une puissance sacrée, le maillet, le marteau, ou le bâton qui donne vie ou mort, n’est pas sans rappeler, par sa fonction, l’acte consistant à trépaner, pour permettre la vie, ou ouvrir la calotte crânienne, pour que l’esprit puisse s’en échapper. Ce qui confère à la tête, en réponse, une réelle fonction vitale et énergétique.


Ainsi libéré, l’esprit est censé s’envoler dans les airs, abolissant le monde contraint et conditionné, passant d’un monde à l’autre et accédant à ce que Mircea Eliade nomme « un mode d’être sur-humain », une forme de liberté absolue (Eliade, 1965)

B. Déformations crâniennes volontaires

Les déformations crâniennes peuvent avoir de multiples sources, depuis la pathologie, en passant par une pratique culturelle liée à la posture du nourrisson dans son berceau et l’acte volontaire, jusqu’à la plagiocéphalie post mortem, due à la compression de la masse des terres.

L’interprétation qu’il convient de donner aux modifications crâniennes volontaires est fort difficile et probablement multifactorielle suivant les époques. La question n’est donc pas définitivement réglée, loin s’en faut.


La modification crânienne, acte irréversible et dangereux pour la survie même du nourrisson, constitue un fort marqueur des représentations sociale, culturelle et religieuse et, à l’instar de l’ensemble des mutilations déjà évoquées, utilise le corps comme interface entre biologie et social, individu et collectif, volonté et contrainte, une manière, pour le corps individuel, de s’intégrer au corps social.


Si le XIXè siècle voit se développer un mouvement d’études craniologiques et phrénologiques, dont l’objectif consiste avant tout à classifier les genres humains (les races, selon la terminologie de l’époque), les premières approches des déformations crâniennes volontaires n’en sont pas moins abordées. Ce sont alors, à la fois des considérations sur le volume crânien, le développement crânien, et les capacités cérébrales qui animent les débats.

Autre sujet de débat, la typologie des déformations ne met personne d’accord et suivant les spécialités et les époques (anthropologie ou chirurgie par exemple), les auteurs de ces études distinguent des nombres différents de modes opératoires, détectant ainsi quatre, trois, cinq ou douze types de déformations différents, certains d’entre eux n’étant que des variantes d’une technique initiale. L’étude la plus complète, couvrant les cinq continents depuis l’antiquité jusqu’à 1930, encore considérée comme une référence aujourd’hui, est celle de l’anthropologue anglais Eric Dingwall, publiée en 1931 et intitulée Artificial Cranial Deformation. A contribution to the study of ethnic mutilations.

Si le reste de la planète n’est pas négligé, c’est l’Amérique latine qui suscite l’engouement le plus spectaculaire et les travaux les plus nombreux dans la première moitié du XXè siècle. R. Latcham, en 1937, établit la relation entre déformations et types de peuplement et, en 1961, les travaux de Weiss renforcent encore l’association entre déformation et culture.

A la même époque, deux types de pratiques propres à déformer le crâne sont distinguées : la déformation tabulaire par planchettes et la déformation par bandages. La première provoque la déformation occipitale asymétrique, avec une augmentation de la largeur et une diminution de la hauteur du crâne (brachycéphalie), la deuxième une augmentation de la hauteur (dolichocéphalie) :

déformation antéro-postérieure, incluant la tabula-droite et la tabula oblique, appelée cunéiforme (brachycéphalie).

déformation circonférentielle, avec le type Aymara et l’annulaire (droite et oblique) au moyen de bandelettes ou de cordelettes (dolichocéphalie).

De ces deux déformations découlent des sous-groupes qui permettent de distinguer zones de peuplement et époques.

Source : Claude Chippaux - « Des mutilations, déformations, tatouages rituels et intentionnels chez l’homme » in Histoire des mœurs, T. I, vol. I, Gallimard, 1990 p. 507

Source : Claude Chippaux - « Des mutilations, déformations, tatouages rituels et intentionnels chez l’homme » in Histoire des mœurs, T. I, vol. I, Gallimard, 1990 p. 507

Source : Metin Özbek - « A propos des déformations crâniennes artificielles observées au Proche-Orient » in Paléorient, 1974, vol. 2, n° 2, p. 473

Source : Metin Özbek - « A propos des déformations crâniennes artificielles observées au Proche-Orient » in Paléorient, 1974, vol. 2, n° 2, p. 473

Deux crânes péruviens - Déformations rituelles : brachycéphale (à droite) et dolichocéphale (à gauche) - Env. 900 EC - Coll. université de Strasbourg.

Deux crânes péruviens - Déformations rituelles : brachycéphale (à droite) et dolichocéphale (à gauche) - Env. 900 EC - Coll. université de Strasbourg.

http://collections.u-strasbg.fr/collections/anatomie/anatcat01.htm

Bien que remontant au néanderthalien, la pratique de la déformation crânienne est postérieure à celle de la trépanation. Il est cependant impossible de lier très directement les deux pratiques, non plus que de voir, dans la déformation crânienne volontaire, un rite de substitution moins radical.


Les traces les plus anciennes de cette pratique remonteraient aux environs de 23 000 ou 18 000 AEC, en Chine, ainsi que tendraient à le suggérer un crâne retrouvé dans la grotte supérieure de Chou-Kou-Tien, lequel aurait été soumis à la pression de bandelettes. En revanche, une déformation de type « tabulaire erecta » est très nettement perceptible sur les crânes de Xixiahou et Dawenkou au Shandong en Chine du nord-est, datés des environs de 6 500 à 4 300 AEC (Soto-Heim, 1986). En outre, les déformations crâniennes de Dawenkou sont associées à l’extraction des incisives supérieures, pratique largement répandues dans le sud. Plus près de nous dans l’espace géographique, les crânes déformés les plus anciens remontent aux années 9 000 à 8 500 AEC et ont été retrouvés dans des sites irakiens, notamment celui de Shanidar.

Universelle, la déformation crânienne est également pratiquée en Ethiopie et à Chypre (fouilles de Khirokitia) dès les VIIIè-VIIè millénaires, en Jordanie aux VIIè-VIè millénaires, au Liban (Byblos) dès le chalcolithique, en Asie Mineure à compter au moins du IIè millénaire AEC, dans toute l’Afrique, en Perse, en Mongolie, dans le Caucase, dans l’actuelle Georgie, au Kurdistan, en Syrie (attestée aux Xè-IXè siècles AEC), dans les populations gallo-romaines. Elle est attestée au Vè siècle de l’ère commune chez les Huns, les Burgondes, les Guépides et les Alains et perdure tout au long du Moyen Age et au-delà, y compris au sein de populations qui jusqu’alors en étaient exemptes.


Ces déformations ont très tôt attiré les commentaires puisqu’Hippocrate, le premier, sans son livre Des airs, des eaux et des lieux, Pline, dans de l’Histoire Naturelle (Livre VI) et Strabon dans sa Géographie, par exemple, les évoquent sans, pour autant, qu’il soit possible de déterminer avec précision quels sont les peuples mentionnés sous le qualificatif de «Macrocéphales», localisés dans le Caucase, le long du Pont-Euxin.


L’hypothèse selon laquelle cette particularité culturelle désignerait les Cimmériens, originaires de la Caspienne, n’est pas définitivement acquise ; tout comme n’est pas acquis le rapport direct établi par Strabon entre Macrocéphales et Siginnes. Pour Ferdinand Delisle, les descriptifs donnés par Hippocrate et Strabon relèvent plus de la tradition orale que du constat visuel effectué par ces deux hommes, à quoi s’ajoute la difficulté de savoir avec exactitude de quelle population il s’agit (Delisle, 1902).


Si l’Europe occidentale connaît la pratique des déformations crâniennes, ainsi que le révèlent les diverses fouilles de sépultures, ce sont surtout les coutumes hunniques en la matière, qui marquent les esprits et la littérature. Ammien Marcellin (330-395) qui, dans son Histoire de Rome, n’hésite pas à en dresser un portrait redoutablement animalier, mentionne une caractéristique crânienne, sans entrer plus avant cependant dans le détail. En revanche, Sidoine Apollinaire (430-468) dans Poésies (Livre II), ont des « têtes étroites [qui] ne présentent qu’une masse ronde », obtenue dès l’enfance par l’emploi d’un bandeau qui enserre la tête, écrase et aplatit leurs narines, le visage présentant alors une plus grande surface. Pour cet auteur, cette pratique est destinée avant tout à faciliter l’adaptation de la tête au casque. Aussi Sidoine Apollinaire voit-il dans cette déformation précoce, une intention militaire. Or, les femmes subissent également ce type de déformation.


Jornandès (VIè siècle), en 551dans son Histoire des Goths, évoque à son tour la déformation du visage, mais sans autre détail quant à la manière dont celle-ci est obtenue.


La forme « en pain de sucre » de la déformation hunnique aurait touché, par contamination, 80 % de la population des steppes eurasiatiques, mais aussi les Francs et les populations occidentales.


Elle est enfin, à l’origine, par l’intermédiaire également des Burgondes, de ce que l’on appelle la « déformation toulousaine » en France.

Déformation dite « burgonde » - Crâne turricéphalique d'une vieille femme alémanique du début du VIè siècle, âgée de 30 à 40 ans, présenté au Landesmuseum Württembergisches, Stuttgart, Allemagne - Ph. : Anagoria.

Déformation dite « burgonde » - Crâne turricéphalique d'une vieille femme alémanique du début du VIè siècle, âgée de 30 à 40 ans, présenté au Landesmuseum Württembergisches, Stuttgart, Allemagne - Ph. : Anagoria.

https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3A0511_Turmsch%C3%A4del_W%C3%BCrttembergisches_Landesmuseum_Stuttgart_anagoria.JPG

Déformation dite « toulousaine », le bandeau en place - Ph. Didier Descouens

Déformation dite « toulousaine », le bandeau en place - Ph. Didier Descouens

https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3A%C2%AB_d%C3%A9formation_toulousaine_%C2%BB_MHNT.jpg

D’autres sources d’influence sont relevées au XVIè siècle notamment, par Joseph Juste Scaliger (1540-1609), philologue, chronologiste et historien qui, dans ses Commentaires sur Théophraste, en 1566, remarque que «Les Génois ont pris des Maures l’habitude de déformer les têtes».

Quant aux Belges, à la même époque, selon le médecin anatomiste Vésale (1514-1564), ils «ont la tête plus longue que d’autres peuples parce que les mères enveloppent les têtes de leurs enfants avec des bandes et qu’elles les laissent le plus souvent dormir sur les tempes» (Delisle, 1902)

Ferdinand Delisle avance que les déformations crâniennes, au XVIIè siècle, sont une pratique très répandue en France. Au demeurant, relève-t-il, il est  possible de trouver mention de conseils aux nourrices en la matière, à commencer par ceux que rédige, en vers latin, Pierre Josset (1598, 1663), Jésuite et professeur de rhétorique au collège de Limoges.

Si les sources demeurent silencieuses au cours du siècle suivant, le XIXè siècle relance le débat sur le sujet, à commencer par les potentiels dégâts causés par de telles pratiques, sur la capacité intellectuelle de celles et ceux qui en sont les victimes.


Encore pratiquées dans une grande partie de la France au début du XXè siècle, la déformation crânienne, souvent combattue par les chirurgiens, depuis le XVIè siècle, fait l’objet, à partir de la fin du XIXè siècle, de véritables campagnes de lutte de la part du corps médical, qui voit, dans cette pratique, la source de nombreux cas de ce que l’on qualifiait alors d’idiotie.

Depuis le Vè siècle, au moins, jusqu’au XXè siècle, pour les manifestations les plus tardives, la déformation crânienne est donc pratiquée en Europe, avec une très large prédominance de la déformation circulaire oblique, obtenue à l’aide de bandelettes.

Je passerai sous silence tous les peuples qui ne diffèrent pas sensiblement [entre eux], et je vais parler de ceux qui présentent de notables différences, qu’elles tiennent à la nature ou à la coutume. Je commence par les Macrocéphales ; il n’est point de peuple qui ait la tête semblable à la leur. Dans le principe, l’allongement de la tête était l’effet d’une coutume, maintenant la nature prête secours à cette coutume, fondée sur la croyance que les plus nobles étaient ceux qui avaient la tête la plus longue ; voici quelle est cette coutume : aussitôt qu’un enfant est mis au monde, pendant que son corps est souple et que sa tête conserve encore sa mollesse, on la façonne avec les mains, on la force à s’allonger en se servant de bandages et d’appareils convenables qui lui font perdre sa forme sphérique et la font croître en longueur. Ainsi dans le principe, grâce à cette coutume, le changement de forme était dû à ces violentes manœuvres mais avec le temps cette forme s’identifia si bien avec la nature, que celle-ci n’eût plus besoin d’être contrainte par la coutume, et que la puissance de l’art devint inutile. En effet, la liqueur séminale émanant de toutes les parties du corps, est saine quand les parties sont saines, altérée quand elles sont malsaines ; or, si le plus ordinairement on naît chauve de parents chauves ; avec des yeux bleus, de parents qui ont les yeux bleus ; louche de parents louches, et ainsi du reste, qu’est-ce qui empêche qu’on naisse avec une longue tête de parents qui ont une longue tête ? Aujourd’hui cette forme n’existe plus chez ce peuple comme autrefois, parce que la coutume est tombée en désuétude par la fréquentation des autres nations. Voilà, ce me semble, ce qui concerne les Macrocéphales.


Hippocrate - Des airs, des eaux et des lieux ; traduit du grec sur les textes manuscrits et imprimés ; accompagnés d’introductions et de notes par le docteur Ch. V. Deremberg, Paris, 1844

http://remacle.org/bloodwolf/erudits/Hippocrate/eaux1.htm

8.  Nous mentionnerons, maintenant, pour finir, certains détails tenant évidemment du merveilleux, mais que tout le monde répète au sujet des peuples qui, comme les habitants du Caucase et comme les montagnards en général, sont restés jusqu’à présent dans un état de complète barbarie.

[…]

Les Siginni, qui, pour tout le reste, vivent à la façon des Perses, se servent de méchants petits chevaux tout velus, beaucoup trop faibles pour être montés, mais qu’ils attellent à leurs quadriges et qu’ils laissent aux femmes le soin de conduire : elles s’y exercent dès leur enfance et celle qui arrive à savoir le mieux conduire a le droit de se choisir l’époux qu’elle veut. On parle aussi de certains peuples chez lesquels chacun s’évertue à donner le plus possible à sa tête une forme allongée en se rendant le front assez proéminent pour qu’il puisse couvrir et ombrager tout le menton. Un autre usage propre aux Tapyres, c’est que tous les hommes, chez eux, s’habillent de noir et portent les cheveux longs, tandis que les femmes s’habillent de blanc et ont toutes les cheveux courts. Celui d’entre eux qui est réputé le plus brave a le droit d’épouser la femme de son choix.

[…]

Strabon - Géographie, Livre XI, Chapitre XI - La Bactriane et la Sogdiane

http://remacle.org/bloodwolf/erudits/strabon/livre1111.htm

[31,2] (2) Dès la naissance des enfants mâles, les Huns leur sillonnent les joues de profondes cicatrices, afin d’y détruire tout germe de duvet. Ces rejetons croissent et vieillissent imberbes, sous l’aspect hideux et dégradé des eunuques. Mais ils ont tous le corps trapu, les membres robustes, la tête volumineuse ; et un excessif développement de carrure donne à leur conformation quelque chose de surnaturel. On dirait des animaux bipèdes plutôt que des êtres humains, ou de ces bizarres figures que le caprice de l’art place en saillie sur les corniches d’un pont.

Ammien Marcellin - Histoire de Rome, Livre. XXXI, chap. II

http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/Ammien_histXXXI/lecture/2.htm

Crâne d’une femme de 70 ans, daté de la fin du Vè siècle, découvert en 1955 à Dossenheim, près de Heidelberg

Crâne d’une femme de 70 ans, daté de la fin du Vè siècle, découvert en 1955 à Dossenheim, près de Heidelberg

http://www.zum.de/Faecher/G/BW/Landeskunde/rhein/hd/km/kdm/okt03.htm

Reconstitution d'une femme hunnique à l'âge adulte avec déformation artificielle du crâne. © Marcel Nyffenegger

Reconstitution d'une femme hunnique à l'âge adulte avec déformation artificielle du crâne. © Marcel Nyffenegger

http://www.zum.de/Faecher/G/BW/Landeskunde/rhein/kultur/museen/speyer/ausstell/hunnen/hunnin.htm

Aux lieux où le blanc Tanaïs tombe des monts Riphéens, et coule dans les vallées hyperboréennes, sous le pôle de l’ourse, habite une nation dont le courage et la stature inspirent l’effroi ; on remarque même je ne sais quoi de terrible sur le visage des enfants. Leurs têtes étroites ne présentent qu’une masse ronde ; au-dessous du front leurs yeux vont se perdre en deux profondes cavités ; là, la lumière, jetée dans les enfoncements du cerveau, parvient à peine vers leurs orbites fugitifs, qui toutefois ne sont pas fermés au jour ; car, à travers une étroite issue, ils aperçoivent de vastes espaces, et ce qui les dédommage de cette difformité, c’est qu’ils distinguent même un objet au fond d’un puits. Dès qu’ils sont nés, un bandeau qui environne leur tête écrase et aplatit leurs narines, pour qu’un jour le casque ne trouve pas d’obstacle. C’est ainsi que ces enfants destinés aux combats, la tendresse maternelle ne craint pas de les rendre difformes, car les joues présentent une plus grande surface dès que le nez est effacé. Le reste de leur corps est beau; ils ont une vaste poitrine, de larges épaules et une taille svelte. S’ils sont à pied, on les croirait d’une médiocre stature; s’ils sont à cheval ou assis, ils paraissent très grands. L’enfant quitte à peine le sein de sa nourrice, que le coursier lui présente son noble dos. Vous croiriez qu’ils ne font qu’un, si bien le cavalier reste coulé au cheval. Les autres nations se font porter souvent par les coursiers ; celle-ci habite sur eux ; elle aime les arcs et les javelots; les mains de ses guerriers sont terribles et sûres, leurs traits donnent infailliblement la mort, et leur fureur fut instruite à ne porter jamais des coups incertains.

Voilà quelle nation soudainement apparue, après avoir franchi sur ses chars les glaces de Pister, et lui avoir imprimé les traces de ses roues, vint dévaster les campagnes des Daces.


Sidoine Apollinaire - Poésies, Livre II, v. 243-276

http://remacle.org/bloodwolf/historiens/sidoine/poesies2.htm

Aussi bien ceux-là même qui peut-être auraient pu résister à leurs armes ne pouvaient soutenir la vue de leurs effroyables visages, et s’enfuyaient à leur aspect, saisis d’une mortelle épouvante. En effet, leur teint est d’une horrible noirceur; leur face est plutôt, si l’on peut parler ainsi, une masse informe de chair, qu’un visage ; et ils ont moins des yeux que des trous. Leur assurance et leur courage se trahissent dans leur terrible regard.


Jornandès - Histoire des Goths, Chapitre 24

http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/jornandes_histoire_goths/lecture/24.htm

Portrait de Joseph Juste Scaliger, attribué à Jan Cornelisz. van’t Woudt ou Woudanus. 1608. Icones Leidenses 31. - Digitool Leiden University

« Mais voici que le temps de l’enfantement est venu : l'enfant naît.

Accoucheuse fidèle, aide-le ; façonne-lui des membres élégants,

Des articulations souples et flexibles.

Quoique la nature bienfaisante lui ait donné, dans le sein de sa mère,

Et le port et la physionomie ; quoiqu'elle ait déjà déterminé la forme de la tête

Et la configuration des membres, toi cependant, de tes mains habiles,

Ne laisse pas d'ajouter une grâce plus parfaite ; apporte

Des embellissements à la forme naturelle; et, si cette forme n'était pas belle,

Corrige-la : elle se laissera plier entre tes doigts comme de la cire molle.

Donc, nourrice fidèle, façonne la tête de tes mains habiles, cette tête

Qui contiendra plus tard tant de choses et tant de richesses : qu'elle n'ait pas

Une forme entièrement sphérique : qu'elle ne se développe pas en un cercle parfait :

A la vérité, cette forme va bien à la masse cérébrale,

Mais elle n'offre pas une place assez vaste pour la mémoire (nécessaire à l'orateur).

Que la tête de notre enfant soit donc un peu longue ;

Que, par derrière, elle aille légèrement en pointe, comme le bout d’une courge :

Il y aura alors un vaste champ, un lieu spacieux pour loger la mémoire.

Que le front, demeure certaine de l'intelligence parvenue à sa maturité,

Ne prenne pas la forme d'un cercle étroit, ce qui est l'indice d'un esprit léger ;

Mais qu'il aille se développant comme une surface plane,

Mais légèrement renflée du côté où s'implantent les cheveux. »


Pierre Josset - De prima futuri oratoris œtatula, trad. E. Blanchard : «Conformation particulière de la tête, observée dans le Limousin» ; travaux de la XXVIè session du congrès scientifique de France, Limmoges, septe. 1859. Limoges, impr. de Chapoulaud Frères, 1860.

Une vaste enquête est menée, dans des asiles de France, qui permet à Ferdinand Delisle de réaliser un état des lieux, malheureusement incomplet, permettant de constater que plus de la moitié des départements français, en 1902, date de la publication de cette étude, continuent à pratiquer ces déformations.

Si le constat établi dans les derniers siècles de cette pratique, semble mettre en exergue avant tout des critères identitaires et de beauté, les interrogations suscitées par ces déformations, aussi loin que nous permettent de remonter les sources écrites, soulèvent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses.

Adaptation du crâne au casque ou à la coiffe, renforcement des parois osseuses, identification ethnique, socio-culturelle, embellissement ou rééquilibrage du corps, ou au contraire enlaidissement pour accentuer l’effet de sidération sur l’ennemi, ne peuvent constituer que des réponses partielles auxquelles on peut objecter. En effet, par exemple, pourquoi ne pas adapter le casque ou la coiffe au crâne au lieu d’envisager l’inverse ?


Il a également été avancé que les déformations ne constitueraient que des accentuations d’une conformation crânienne originelle. Ce qui se vérifie chez les populations turques, qui accentuent leur dolichocéphalie, tandis que les ethnies anatoliennes accentuent leur brachycéphalie. Bien évidemment, cette proposition a le mérite de la logique, cependant, une fois encore, elle n’explique pas tout. On peut en effet relever des cas de très nette différenciation sexuée. A Byblos (Liban), comme à Seyn Moyuk (Turquie), les crânes déformés sont exclusivement féminins. L’argument théologique demeure donc valide

Si l’on sort de la sphère européenne, on retrouve, y compris jusqu’à très récemment dans certaines zones géographiques, des coutumes de déformation. C’est vrai en Afrique où l’on pouvait observer, jusque dans les années 1920-1930 encore, cette pratique chez les Mangbetu du Congo-Belge, mais aussi chez les Malgaches de Mozimba. Si l’archéologie permet d’affirmer que la déformation crânienne est pratiquée en Ethiopie, en revanche, le cas de l’Egypte est plus problématique. Comme dans le Hatti ou encore à Smyrne, en Chaldée et en Palestine, de nombreuses représentations laissent supposer qu’une telle pratique aurait eu cours. Or, tout au moins en Anatolie, aucune preuve archéologique de la déformation crânienne effective des Hittites, n’a pu être retrouvée, non plus qu’en Egypte ancienne.

Le crâne volumineux des princesses amarniennes, rendus dans la statuaire, ont intrigué archéologues, anthropologues et pathologistes des années durant. Gerhardt, cependant, y voit - et la majorité des anthropologues avec lui - dès 1967, la marque d’une déformation crânienne volontaire, obtenue à l’aide de bandelettes. De fait, les têtes sculptées des princesses montrent une dépression correspondant à la zone généralement marquée par celles-ci. A titre de comparaison, il est possible de se référer, par exemple, à la déformation mangbetue, comme à celle que l’on relève sur les crânes découverts à Byblos.


Le volume du crâne, en revanche, peu compatible avec la réalité physique d’une telle modification, relèverait tout simplement de la licence artistique du sculpteur.

Source : Cathie Spieser & Pierre Sprumont, 2004, p. 176, 178 & 179

Source : Cathie Spieser & Pierre Sprumont, 2004, p. 176, 178 & 179. Deux photographies ont subi, ici, une inversion symétrique, afin de permettre une meilleure visualisation de la déformation.

l est plus difficile de savoir, en revanche, quelle était la conformation du crâne de Néfertiti dans la mesure où elle n’est jamais représentée tête nue. La forme oblongue de la forme féminine du khépresh, si elle rappelle celle des crânes allongés, ne permet pas d’en savoir plus à l’heure actuelle. Si l’on admet que la déformation crânienne des princesses tire son origine d’une pratique extérieure à l’Egypte, dans un premier temps il est envisagé qu’elle ait été introduite par Néfertiti elle-même, dont les caractéristiques physiques semblent être celles d’une étrangère (teint clair et traits du visage) et le nom signifie « la belle est venue ». Aujourd’hui, les hypothèses favorisent l’introduction de ces déformations, si tant est qu’elles aient été physiquement réelles, par la mère de Néfertiti, des origines de laquelle nous ne savons rien.

Le pharaon Akhenaton et Nefertiti, statuette de calcaire de style amarnien, hauteur environ 30 cm, musée du Louvre
Néfernéferouaton (à droite) et sa jeune sœur Néfernéferouê, sur une peinture d'une maison privée, à Amarna (env. 1375-1358 AEC) - Ashmolean Museum, Oxford.

Le pharaon Akhenaton et Nefertiti, statuette de calcaire de style amarnien, hauteur environ 30 cm, musée du Louvre.

https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AAkhenatonNefertiti.jpg

Néfernéferouaton (à droite) et sa jeune sœur Néfernéferouê, sur une peinture d'une maison privée, à Amarna (env. 1375-1358 AEC) - Ashmolean Museum, Oxford.

Source : The Yorck Project: 10.000 Meisterwerke der Malerei. DVD-ROM, 2002. ISBN 3936122202. Distributed by DIRECTMEDIA Publishing GmbH.

https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3A%C3%84gyptischer_Maler_um_1360_v._Chr._002.jpg

En effet, replacées dans leur contexte, ces déformations crâniennes visibles sur les représentations des princesses, mais aussi sur la statue de la tête de Toutankhamon, doivent également être comprises dans leur aspect théologique. Ainsi que les têtes des nouveaux nés présentent souvent une forme allongée dans les heures qui suivent immédiatement la naissance, le choix de représenter des crânes à la forme aussi allongée, peut tout à fait s’entendre dans le cadre de l’idée de recréation perpétuelle et quotidienne, de renaissance quotidienne, véhiculée par la religion d’Aton. Ainsi, cette caractéristique crânienne pourrait-elle s’insérer dans un ensemble de signes distinctifs des fidèles d’Aton (Spieser & Prumont, 2004).


Cette interprétation ramène inévitablement aux interrogations quant à celle qu’il convient de donner aux déformations crâniennes constatées dans les autres aires géographiques. En effet, si une vocation théologique initiale semble incontournable, les références qui sont la sienne demeurent obscures la plupart du temps.


Au-delà des zones déjà citées, on retrouve trace des déformations crâniennes chez les Berbères, en Tunisie (chez les Nefta), autour du lac Tchad. Citons également les Ashanti du Ghana, mais uniquement chez les aristocrates, les Ibos du Nigéria, les Garegas, les Berké, les Bagam et les Bali du Cameroun. Les déformations crâniennes sont également pratiquées par les Malgaches de Mazimba, en Indonésie, en Malaisie, en Nouvelle-Guinée, en Polynésie et en Nouvelle Calédonie (Thomas, 2013).


Tahiti se singularise par une déformation qui semble être l’apanage d’une caste, celle des aréoïs. Ces derniers constituent une institution semi-laïque, semi-religieuse, composée d’hommes et de femmes divisés en sept classes, distinguées par des tatouages particuliers. Comme les prêtres, les membres de cette institution sont tabous et leur personne sacrée, car ils représentent les dieux. A l’instar des plus hauts dignitaires laïcs, ils sont également accueillis et obéis. Les classes les plus élevées de cette caste, les grands aréoïs, sont constituées de poètes, de bardes, d’« hommes archives » qui enseignent aux Polynésiens leur origine et sont les dépositaires des connaissances. Il semblerait qu’ils aient pratiqué l’infanticide systématique, seuls les fils aînés des chefs conservaient la vie sauve (de Quatrefages, 1864). La relation entre déformation crânienne et religion semble ici assez clairement établie, sans que pour autant une explication plus fine soit fournie.


Les études relatives aux déformations crâniennes volontaires les plus poussées, ont sans doute été menées sur les populations américaines, plus particulièrement sur les populations de Mésoamérique et d’Amérique du sud.

Christophe Colomb, le premier, est sans doute le premier européen à remarquer la grande fréquence des déformations crâniennes et à s’en faire l’écho. Ainsi, relatant la journée du 13 octobre 1492, il écrit :

« Ils ont tous le front et la tête très larges, plus qu’aucune des races que j’aie encore vues. Leurs yeux sont très beaux et pas du tout petits ; leur couleur n’est pas noire, mais semblable à celle des naturels des Canaries. » (Colomb, trad. de Navarette, 1828)

A sa suite, chroniqueurs, voyageurs, missionnaires et ecclésiastiques se font l’écho de cette déformation crânienne dans toute l’Amérique du sud.


Francisco López de Gómara, dans son Historia general de las indias (1552) évoque ces pratiques dans la région de Cumana, au Vénézuela. Le franciscain Pedro Simón, après quatorze années passées en Colombie et au Vénézuela, produit, en 1627, ses Noticias historiales de las conquistas de Tierra Firme en las Indias Occidentales, dans lesquelles il évoque les déformations chez les Natagaimas, les Panches, les Laches et les Pijaos. Lucas Fernadez de Piedrahita, gouverneur de Panama (1681-1682), rapporte des expériences similaires dans son Historia general de las conquistas de Nuevo Reyno de Granada (1688).


Ainsi apprend-on que les Motilones (Vénézuéla) et les Caribes enserrent la tête du nouvea-né entre deux tablettes solidement liées et que les Quimbayas se servent de planchettes et de ligatures, ce qui donne aux enfants un front aplati ou allongé. Les Panches, écrit Juan de Castellano en 1601, modèlent la tête de leurs jeunes enfants en forme de cône. En Patagonie, au Chili, en Argentine, au Brésil, en Guyane également, les déformations crâniennes sont attestées aux XVIè-XVIIè siècle et perdurent, malgré les interdits des Espagnols. Au XVIIIè siècle encore, de La Condamine, dans la relation qu’il fait de sa descente de l’Amazone, évoque les Omaguas, dont le nom signifie  Tête plate, ajoutant que « ces peuples ont la bizarre coutume de presser entre deux planches le front des enfans qui viennent de naître, pour leur procurer cette étrange figure, & pour les faire mieux ressembler, disent-ils, à la pleine Lune » (La Condamine, p. 72, 1745)

Colomb, trad. de Navarette, 1828
Source : Gallica.bnf.fr

Source : Gallica.bnf.fr

D’une manière générale, ces pratiques vont étonner et questionner les conquérants européens, quant à ce qui les motive.


Sur cette partie du continent américain, les déformations n’apparaissent qu’extrêmement rarement avant l’époque précéramique (3 000-1 000 AEC). Les fouilles archéologiques menées sur le site de Huaca Prieta, dont l’implantation est datée des environs de 4 700 AEC, révèlent le peu de traces de déformations volontaires.


Dans la péninsule de Paracas, des déformations crâniennes sont pratiquées - sans pour autant qu’on puisse en déterminer l’ampleur et la diffusion -, autour de 5 000 AEC, ainsi que le démontrent les ossements de l’homme à la tête allongée (cabeza larga) découverts, ayant pu faire l’objet d’une datation au carbone 14. De la même façon, on trouve trace de cette tradition dès 3 500-3 000 AEC dans la vallée de Azapa et, vers 2 600 AEC, dans la culture Chinchorro (dans les actuels Chili et sud-Pérou).

En revanche, elles sont cette fois tout à fait observables sur la civilisation dite de Paracas, qui apparaît vers 800 AEC et se fond, à la fin du IIIè siècle de l’ère commune, dans la civilisation de Nazca.

Au cours de la période de transition vers la fusion Paracas-Nazca - laquelle a fait l’objet d’études - couvrant les années 200 AEC à 100 EC, trois types de déformations crâniennes sont pratiquées : tabulaire (dite bilobale ou pré-andine), cunéiforme (aplatissement de l’occipital et renfoncement du bregma) et circulaire, dite annulaire (par bandage).

En tant que marqueur socioculturel, ces déformations permettent de suivre l’évolution des populations dans ce secteur du Pérou et, généralement, il est désormais admis que la déformation tabulaire caractérise les populations de la côte, tandis que la déformation annulaire caractérise celle de la sierra. A l’intérieur de chaque groupe, il est évidemment possible de distinguer des variations, dues à la force de la pression exercée, susceptible de produire une forme plus ou moins oblique, plus ou moins allongée.

Dans le cas de Paracas, les déformations tabulaire et cunéiforme sont obtenues au moyen de planches placées en avant et en arrière du crâne et attachées au berceau.

Le type cylindrique (annulaire), est obtenu par pression à la fois occipitale et autour de la circonférence du crâne, soit à l’aide de bandages, soit à l’aide d’un appareillage de tablettes, soit à l’aide de ceintures. Le resserrement ainsi acquis et le bombement visible près du sommet, permettent de le distinguer du type cunéiforme.

Exemples de déformations crâniennes des Paracas. Musée Archéologique et Anthropologique de l’Histoire du Pérou, à Lima. Ph. Robrrb (Wiki common)

Exemples de déformations crâniennes des Paracas. Musée Archéologique et Anthropologique de l’Histoire du Pérou, à Lima. Ph. Robrrb (Wiki common)

A l’époque inca, les déformations crâniennes revêtent un rôle de marqueur géographique puisque chaque groupe maintient son propre type de déformation dans chacune des provinces. A l’intérieur même du groupe, les déformations ont une signification sociale, permettant de distinguer les dignitaires et personnes de hauts rangs des autres. La déformation crânienne est donc le reflet de l’identification d’un individu au groupe et du groupe par rapport aux autres, ce qui permet de maintenir et solidifier les frontières communautaires. En ce sens, la déformation du crâne symbolise l’adhésion et la solidarité à un groupe dans son unicité. En revanche, plus les groupes considérés disposent d’une organisation complexe, moins on relève de variations dans les types de déformation.


De fait, l’étude des crânes de la péninsule de Paracas, sur les années 200 AEC à 100 EC, conforte cette hypothèse puisque si l’on peut constater la cohabitation de populations de diverses communautés, la tendance à l’uniformisation de la déformation cylindrique marque le début d’une homogénéisation culturelle (Tinteroff Gil, 2008).

Les recherches effectuées dans cette zone géographique ont également révélé des mobiliers funéraires plus pauvres dans le cas des sépultures dédiées aux personnes ayant subi une déformation tabulaire (société tournée vers l’économie maritime et ne devant pas appartenir à des rangs sociaux élevés), et un peu plus riches pour les populations à déformation cunéiforme (apparition d’ornements en or). Si les individus à déformation tabulaire semblent appartenir à une population tournée vers le littoral et l’économie maritime, en revanche la population à déformation cunéiforme appartient à une société centrée sur l’économie maritime et agricole. Essentiellement basée dans la vallée de l’Ica, elle semble appartenir à la même ethnie que la population d’Ocucaje.

Le contexte funéraire est encore plus riche dans les sépultures impliquant des déformations annulaires. Dans ce dernier cas, cette richesse se distingue dans les vêtements et l’on remarque également une prédominance des représentations guerrières ainsi que de la chasse aux crânes, mais aussi dans le mobilier, contenant armes et objets rituels.


On retrouve également des déformations crâniennes dans le complexe funéraire de la vallée de Moquega (Pérou), comme dans la société Tiwanaku (Tiahuanaco), prospérant autour du lac Titicaca, entre 500 et 1200 de l’ère commune.


La Mésoamérique n’est pas exempte de cette pratique non plus, puisque les Mayas pratiquent la déformation volontaire des crânes, avec des résultats sur leurs visages, encore visibles dans leur expression artistique.

Cette partie du continent américain voit se sédentariser des populations très tôt, entre les VIIè et IIIè millénaires avant l’ère commune. Des traces d’activité agricole sont attestées pour les environs de 2 500 AEC. Durant l’époque préclassique (2 500 AEC-250 EC), le territoire mésoaméricain voit l’émergence de sociétés complexes, qui évoluent dès lors, au fil des siècles, vers la forme étatique, au préclassique récent puis vers les cités-Etats au cours de la période classique (VIè-IXè siècles).

Parallèlement, dès les années 2000 AEC, on assiste à l’essor des Olmèques, dont l’influence culmine aux alentours des années 1 000 AEC et se fait sentir sur la civilisation Maya.

La déformation maya, de type tabulaire oblique, est pratiquée au moyen de deux planchettes recouvrant l’occipital dans sa quasi-intégralité, sans affecter la soudure du pariétal, ce qui donne au crâne sa forme oblongue. Cette dernière est d’ailleurs accentuée par une pièce de compression placée sur l’arête du nez.

Une telle déformation n’altère pas uniquement la forme de la tête. En effet, elle provoque également l’asymétrie des traits du visage, celle-ci étant plus ou moins prononcée, en fonction de l’intensité de la pression exercée. Outre ce renflement d’un côté du visage et une déformation orbitale, elle génère un strabisme à la fois convergent et divergent. Ces modifications sont au demeurant parfaitement visibles sur les masques mortuaires et rituels, permettant même l’établissement d’une typologie des déformations (del Campo Lanz, 2012).

Masque cérémoniel en mosaïque de jade - La Rovisora, Quintana Roo - Classique tardif ; mosaïque de jade, Strombus gigas et Stromus angulata. Centre NAR Quintana Roo, Chetumal. - Ph. : Martirene Alcántara, assistée de Olivier Dekeyser. Catalogue Les masques de jade mayas.

Masque cérémoniel en mosaïque de jade - La Rovisora, Quintana Roo - Classique tardif ; mosaïque de jade, Strombus gigas et Stromus angulata. Centre NAR Quintana Roo, Chetumal.

Ph. : Martirene Alcántara, assistée de Olivier Dekeyser. Catalogue Les masques de jade mayas.

Les études réalisées sur les cimetières protohistoriques de la Campana à Mixco Viejo (Guatemala) infirment, quant à elles, les velléités initiales de considérer que les déformations crâniennes volontaires ne touchaient que les élites, puisqu’elle y est quasi-générale.


Toujours en Mésoamérique, les indiens du Yucatan, d’après Diego de Landa, moine franciscain fanatique et chroniqueur du monde maya qu’il découvre de 1524 à 1563 et dont il traite dans sa Relación de las Cosas de Yucatán (1566), pratiquent non seulement la déformation crânienne, mais un certain nombre d’autres interventions, dont l’une consiste à provoquer un strabisme convergent chez les nourrissons, en suspendant un petit emplâtre de poix descendant jusqu’au milieu des sourcils de l’enfant (Landa, trad. 1864).


De la même façon, en Amérique du Nord, les Indiens pratiquent également la déformation crânienne. Ainsi, les populations de la Côte Atlantique, sont dénommées, par les trappeurs, les « Têtes plates » ; ce qui est sans aucun rapport avec la confédération des tribus Salish et Kootenai, vivant aujourd’hui dans la réserve dite des Têtes-Plates, entre la chaine des Cascades et les Rocheuses et n’ayant jamais pratiqué la déformation crânienne.


En fait, ce qualificatif désigne notamment les Choctaws, qui vivaient dans le sud de l’Alabama, mais aussi ceux qui habitent le long des affluents et des eaux inférieures de la Colombie, les principales tribus étant les Klikatas, les Multonomas, les Kaoulis, les Chekilis, les Klatsops, les Killimoucks (nom générique des tribus du sud du Rio Colombia) et les Tchinouks.

Le procédé d’aplatissement employé par les Indiens de l’Orégon, notamment chez les Wallamuths, consiste à placer l’enfant sur une planche proportionnée à la taille de son corps. Cette planche, garnie de mousse et recouverte d’une peau, lui sert de berceau. Un renflement, destiné à empêcher le menton de tomber sur la poitrine, se trouve à la hauteur du cou. Lorsque l’enfant est couché sur le dos, on rabat sur son front, au dessus des arcades sourcilières, une petite planche mince et flexible dont les deux côtés sont garnis de lacets fixés dans les trous latéraux du corps du berceau. L’augmentation graduelle de la pression provoque la déformation souhaitée. L’enfant reste ainsi attaché à sa planche durant les trois premières années de sa vie. Une autre variante de ce berceau permet aux femmes de porter leurs enfants sur le dos ou à l’arçon de la selle. Toutefois, cette déformation s’atténue au fur et à mesure de la croissance, sans toutefois disparaître complètement (Duflot de Mofras, 1844).


Mentionnons également les Selkouks, ou Solkuks, de la Haute Louisiane ou Nouvelle Géorgie. La déformation est, chez eux, poussée à ce point que le sommet de leur tête se trouve sur une ligne perpendiculaire à celle du nez.

On retrouve aussi cet aplatissement frontal chez les insulaires des petites et grandes Antilles, des Caraïbes, des déformations à Cuba, Haïti, en Jamaïque.

Crânes des Indiens Têtes Plates de la côte Nord Ouest de l’Amérique. Coll. David Rumsay. - Source : Duflot de Maufras (1844). Lithographie par Werner. Imp. Becquet - Ph. Arthus Bertrand.

Crânes des Indiens Têtes Plates de la côte Nord Ouest de l’Amérique. Coll. David Rumsay. - Source : Duflot de Maufras (1844). Lithographie par Werner. Imp. Becquet - Ph. Arthus Bertrand.

http://www.davidrumsey.com/luna/servlet/detail/RUMSEY~8~1~1805~210022:Cranes-Des-Indiens-Tetes-Plates-De-#

Huile sur toile de Paul Kane (1810-1871) - Caw-Wacham, vers 1848 - Achat, legs William Gilman Cheney, inv. 1947.991 - Musée des Beaux Arts de Montréal

Huile sur toile de Paul Kane (1810-1871)

Caw-Wacham, vers 1848

Achat, legs William Gilman Cheney, inv. 1947.991

Musée des Beaux Arts de Montréal

Selon Kane, Caw-Wacham était une Amérindienne de la tribu des « Têtes-plates » vivant sur les bords de la rivière Cowlitz, un affluent du Columbia. En fait, le nom descriptif donné à cette tribu désigne sans doute les Salishans, établis dans la région.

Les tentatives d’explication avancées par les conquérants européens sont pour la plupart inopérantes, allant du renforcement de la solidité du crâne pour les guerriers, jusqu’à la marque de servitude, en passant par la volonté d’augmenter les capacités intellectuelles. Le problème que rencontrent ces conquérants tient en effet au prisme à travers lequel ils observent ces populations qu’ils découvrent, un prisme chrétien qui ne peut voir ces expressions d’une religion qui n’est pas la leur autrement que dans une optique de manifestation démoniaque.


Or, la religion est omniprésente dans ces sociétés précolombiennes, comme au demeurant sur l’ensemble de la planète.

Dans la pensée Maya, le visage, la tête, définit l’essentiel de l’être. Il n’est d’ailleurs pas anodin que la plupart des noms des dignitaires ayant pu être transcrits commencent par les syllabes u-bah, signifiant « son être, son visage, sa personne ».

Par ailleurs, pour ce peuple, tout être animé ou inanimé est doué d’une spiritualité propre, ce qui suppose l’existence de liens entre chaque être. Liens symbolisés par des attributs et entourés d’un certain nombre de rituels qui permettent l’établissement et la facilitation de la communication entre humains et non humains.

Si les Omaguas aspirent par le modelage de leur tête à ressembler le plus possible à la pleine lune, les Mayas pour leur part - particulièrement dans les sphères des élites - reproduisent la conformation crânienne du dieu Maïs.

La création de l’homme coïncidant, selon le Popol Vuh, à la sédentarisation et à la culture de la terre, ces premiers hommes ayant une chair constituée de farine de maïs et d’eau, l’importance d’un dieu Maïs trouve alors tout son sens.

Indispensable à la survie, à la continuité et au renouvellement des cycles cosmiques, la renaissance du dieu Maïs donne lieu non seulement à de multiples représentations, à des cultes et à la déformation céphalique, principalement au sein des élites, le but étant de ressembler ainsi le plus possible à ce dieu, représenté cheveux rassemblés sur le haut du crâne et front rasé, à la manière d’une barbe d’épi de maïs, mais aussi, suivant la forme de la Montagne Sacrée, abritant les grains de maïs de la création (Martinez del Campo Lanz, 2012).

En outre, l’axe de création du monde, représenté par le Na-Té-K’an (arbre précieux), lorsqu’il n’est pas représenté par un fromager, est constitué par un plant de maïs, ce qui marque plus fortement encore, la place du maïs dans la culture maya.


Les autres cultures ayant pratiqué la déformation crânienne, s’inspirent également d’éléments constitutifs des récits qui les fondent. Si l’hypothèse d’une référence à leur montagne sacrée peut être avancée dans le cas des Incas, il n’est pas exclu que l’œuf initial ait pu être une source d’inspiration.

Tête miniature du dieu du maïs. El Palacio,, Palenque, Chiapas, env. 615 EC. Classique tardif, stuc modelé, Musée du site de Palenue Alberto Ruz Lhuillier, Palenque. - Ph. : Martirene Alcántara, assistée de Olivier Dekeyser. Catalogue Les masques de jade mayas

Tête miniature du dieu du maïs. El Palacio,, Palenque, Chiapas, env. 615 EC. Classique tardif, stuc modelé, Musée du site de Palenue Alberto Ruz Lhuillier, Palenque.

Ph. : Martirene Alcántara, assistée de Olivier Dekeyser. Catalogue Les masques de jade mayas

D’après Antonio de la Calancha (1584,1564), moine augustin et chroniqueur, auteur d’une Chronique morale de l’Ordre de saint Augustin au Pérou (1638), Pachacamac est fils du soleil et de la lune. Il transforme les premiers humains créés par Kon, ancienne divinité du nord du pays, en singes puis crée un homme et une femme.

Comme il ne leur donne rien à manger, l’homme meurt mais la femme implore le soleil qui alors la féconde. Elle met au monde un garçon. Pachacamac, furieux, tue l’enfant, le découpe en morceaux et l’enterre. Ses dents germent alors et donnent le maïs, ses côtes le manioc, sa chair des fruits et des légumes. Le soleil utilise alors le nombril et le pénis de l’enfant mort pour créer un second fils, qu’il nomme Vichama. Pachacamac prend alors la fuite en direction de la mer et coule au large de l’Océan Pacifique. Vichama transforme l’humanité en pierre et demande à son père de créer une troisième race humaine. Le soleil lui envoie alors trois œufs : le premier en or, dont naissent les curacas, le deuxième en argent, dont naissent les femmes de l’élite et, le troisième, en cuivre, dont naissent les gens du peuple.

Or, nous rapportent les chroniqueurs européens, la déformation crânienne des Incas a comme origine un fondement rituel. Certains l’identifient avec la forme de la montagne auprès de laquelle ils vivent, d’autres ne donnent aucune précision, se contentant d’évoquer la religion sans plus de commentaires.

Cependant, il est possible de relever ici cette naissance de l’humanité inca à partir d’œufs, ce que l’on retrouve dans de multiples mythes fondateurs, notamment asiatiques. En outre, dans la religion Maya, l’oiseau (ovipare) revêt également une grande importance puisque l’Oiseau primordial (Itzamnaah) est un élément majeur de la dualité complémentaire des royaumes surnaturels, le second élément étant représenté par le jaguar, symbole de l’inframonde.

Oiseau que l’on retrouve dans les récits des indiens de la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord, sous la forme d’un corbeau et ceci extrêmement tôt. En effet, la découverte, de deux squelettes de corbeaux, datés des environs de 10 500 BP pour l’un et 9 500 BP pour l’autre dans la grotte de Charlie Lake (Colombie britannique), offrent un éclairage supplémentaire sur la création des mythes fondateurs de cette population. S’il est difficile d’interpréter le contexte de dépôt du premier squelette découvert, le deuxième, en revanche, était accompagné d’artefacts, ce qui implique qu’un soin particulier et une intention particulière, aient présidé à ce dépôt. Or, les corbeaux ont une importance particulière dans la mémoire et la religion des premières Nations du nord-ouest américain et, plus généralement même, dans de nombreux récits de création de l’humanité à travers le monde. Ils apparaissent, en Amérique, en tant que tricksters (à la fois positifs et négatifs, mais surtout transgresseurs de frontières, notamment entre l’humain et le non humain) et sont souvent associés à la chasse. Dans les deux cas, les archéologues n’ont pu déterminer la cause de la mort des corvidés découverts dans cette grotte, ce qui les a amenés à proposer l’hypothèse de morts naturelles, les humains s’étant contentés de recueillir les dépouilles pour les inhumer dans la grotte. Les artefact déposés - tout au moins auprès de l’une des deux dépouilles - seraient donc des offrandes destinées à attirer la chance sur les chasseurs du groupe qui occupait les lieux (Driver, Handly, Fladmarck, Erle Nelson, Sullivan, Preston, 1996).

On ne peut non plus s’empêcher de penser que lorsque les premiers humains arrivent sur cette terre, à partir de l’Asie, ils découvrent une étendue encore en formation, qui devait changer rapidement. La présence des corvidés a-t-elle impressionné les imaginations de ces hommes au point de créer cette association entre création de l’humanité et corbeau ?

En tout cas existe, chez les Indiens de la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord, une légende selon laquelle, alors que le corbeau s’ennuie, il voit une praire émerger du sable. Il chante pour elle et elle s’ouvre alors, laissant s’échapper de minuscules êtres humains. La praire symbolisant ici la matrice, la déesse mère, que d’autres récits fondateurs font tomber du ciel, alors qu’elle est enceinte, dans l’Océan.

Corvus Corax (grand corbeau) © Aurélien Audevard

Corvus Corax (grand corbeau) © Aurélien Audevard

http://le-cirque-fou-des-religions.com

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Plus généralement, dans les cultures de la côte nord-ouest de l’Amérique du nord, le corbeau est le créateur du monde, protecteur des humains, porteur du soleil, de la lune et des étoiles, de l’eau et du feu.


Aujourd’hui, la parenté entre la population d’Asie et les premiers peuplements amérindiens ne semble plus douteuse. Une parenté que l’on retrouve également dans de nombreuses similitudes de représentation mentale des origines, artistiques (visibles par exemple sur les totems) et même religieuses.


Or, en Chine également, cette coutume consistant à déformer les crânes traverse les siècles puisqu’on la retrouve sous la dynastie Han (206 AEC-220 EC), époque à laquelle est pratiquée la déformation occipitale des garçons. Au début du XXè siècle encore, son importance est telle que l’empereur Kien-Lung (1736-1796), dans son ouvrage Mandchou-yuen-liou-kao, consacre un chapitre complet au mode de déformation subi par les enfants. Il est possible de voir là une survivance du mode de représentation des héros légendaires de la Chine dotés d’un front haut (env. 2 600 AEC). La problématique de l’origine d’un tel acte se pose avec la même acuité dans le cas chinois.

Les récits mettant en place la mythologie chinoise, transmis par oral des millénaires durant, fussent-ils mis en forme sous la dynastie Han, à des fins dynastiques, n’en trouvent pas moins leurs origines dans le système de représentation organisé autour d’un culte solaire. Culte solaire déjà observable dans les représentations pictographiques néolithiques.

Pour les anciens Chinois, le monde est un char, dont la terre carrée est le fond et le ciel rond, le dais. A l’origine des temps, les Trois Augustes créent et organisent le peuple chinois. Ce sont tout d’abord Fuxi et Nüga, représentés avec des têtes humaines et des corps de serpent, originaires des monts Kunlun et Shennong (le Divin Laboureur) au corps humain et à la tête de bœuf.

Fuxi comme Shennong naissent de manière surnaturelle et le dragon y tient un rôle primordial.

Huangdi, frère de Shennong, qui aurait vécu au IIIè millénaire avant l’ère commune, devrait sa naissance aux éclairs qui illuminèrent le ciel nocturne sur la colline de Xianyuan. On lui prête une face de dragon. Sa fille Niuba est décrite comme une femme chauve de deux à trois pieds de haut, vivant nue et disposant d’yeux au sommet de la tête.

Huangdi est, d’ordinaire, assimilé aux populations des confins, donc à des populations non chinoises, assurant ainsi le passage entre les cultures


Yu Le Grand lui-même, personnage semi-historique des environs du XXIIIè siècle avant l’ère commune, est considéré comme le fondateur de la dynastie de Xia. La tradition en fait un personnage anthropozoomorphe, possédant un bec d’oiseau, sur un long cou, un corps de serpent et une tête humaine, dont les oreilles sont percées de trois orifices. Associé à l’oiseau et à l’ours, il est également forgeron. De ce fait, il est maître des éléments (cf. Tatouages en Chine). Forgeron dont l’importance est significative dans une grande majorité des cultures à travers le monde, ainsi que nous avons pu le voir pour l’Afrique notamment (chapitre sur les scarifications et tatouages).


Oiseau solaire comme serpent aquatique, indissociables, se complétant l’un l’autre, sont des ovipares, emblèmes totémiques des clans ayant donné naissance aux souverains mythiques chinois. D’après la tradition, Jiandi, mère de Xie, ancêtre des Shang (XVIIIè-XIIè siècle AEC), se baignait dans la rivière de la colline Obscure avec ses sœurs lorsqu’un oiseau noir (faut-il y voir le grand corbeau ?) survolant le cours d’eau, laisse tomber l’œuf multicolore qu’il tient dans son bec. Jiandi le prend, le met dans sa bouche et l’avale par mégarde. Ainsi fut conçu Xie.

De la même façon, les Li disent être nés d’un œuf posé sur la montagne Li-mou-chan ; quel œuf, frappé par la foudre, donne naissance à une princesse. Une autre version fait sortir de l’œuf foudroyé, un chien, ancêtre des Li.

Chez les Paiwan, c’est le soleil qui laisse tomber un œuf, lequel est avalé par un serpent venimeux. Cinq jours durant le soleil déverse des œufs que le serpent mange tous. Mais avant qu’il ne consomme le dernier, passe une femme. Le serpent renonce alors à manger l’œuf qui devient un homme, l’ancêtre des Paiwan. Puis le serpent épouse la femme et se métamorphose en homme.


L’œuf, qui est un élément récurrent, ou bien encore la forme du crâne du corbeau, du serpent puis, par extension du dragon (dont à l’origine la tête est celle d’un chameau), ont tout à fait pu inspirer la déformation crânienne dont l’iconographie représentant les héros légendaires se fait l’écho amplificateur, dans une volonté d’identification au divin et à l’idéal héroïque, voire l’aplatissement de la naissance du nez chez les Huns.

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On retrouve au demeurant le grand corbeau dans de nombreuses mythologies européennes, ou nord amérindienne, mais également dans la bible puisque c’est un corbeau que Noë envoie, une première fois en reconnaissance. De la même façon qu’Odin envoie Hugin et Munin voler autour du monde chaque jour, afin qu’ils lui en rapportent la rumeur. Dans la mythologie celtique, le corbeau est associé au dieu gallois Bran le Béni, représenté comme un géant et le roi des Bretons. Sa tête aurait été enterré sur la Colline Blanche de Londres comme talisman contre les invasions. Là encore, peut-on avancer l’hypothèse d’une identification dont on retrouve la trace dans les déformations crâniennes de certaines populations germaniques puis, par extension ouest-européenne ?

En effet, il faut attendre le christianisme, lequel évolue vers une condamnation du corbeau et, plus spécifiquement du grand corbeau aux alentours du IXè siècle, et plus encore l’islam qui traditionnellement, depuis l’origine, en fait un « fils du malheur », pour que le corbeau soit perçu négativement.

On peut également poser la question de l’identification, dans l’actuelle zone européenne, à une divinité comme Cernunnos, dont le crâne, du fait de la spécificité que constituent ses bois, montre une conformation extrêmement particulière… Les bois du cerf symbolisant la force fécondante et le cycle des renouvellements. Annonciateur de lumière, le cerf apparaît comme le médiateur entre ciel et terre et symbole du soleil levant qui monte vers son zénith.

Le dieu celtique Cernunnos sur le pilier des Nautes - Musée National du Moyen Age, Thermes de Cluny - Source : Clio20

Le dieu celtique Cernunnos sur le pilier des Nautes - Musée National du Moyen Age, Thermes de Cluny - Source : Clio20

Ainsi, si aucune réponse n’apparaît comme susceptible d’être définitive sur les raisons initiales de ces déformations crâniennes volontaires, on retrouve cependant des constantes dans cette volonté de rappeler soit une divinité, soit un démiurge, soit un élément naturel ou encore un animal, l’œuf... A quoi il convient d’ajouter probablement, la forme du crâne de l’enfant à sa naissance. Cette recherche d’une semblance avec ce qui est considéré comme supérieur ou parfait, perdure, en Amérique du Sud, malgré les directives induites par le concile de Lima (1582-1583). En Afrique, comme en Asie, certaines pratiques (déformations ou trépanations) sont encore en vigueur au XXè siècle. En Europe, il faut toute la force de persuasion des hygiénistes puis de la médecine, pour que cessent ces pratiques, encore faut-il attendre le premier quart du XXè siècle. Si les raisons initiales, originelles de ces lointaines pratiques sont aujourd’hui oubliées, leur disparition en revanche, à l’échelle de l’histoire humaine, est extrêmement récente. Et il n’est pas innocent que la première cause proposée par les chercheurs à leur surgissement, ait été cultuelle.

Bibliographie succincte

Jacques Cayotte - La médecine aux temps préhistoriques in Mémoires de l’Académie nationale de Metz, 1976-1977, p. 285-304, 1976


Ferdinand Delisle - Les Macrocéphales ; in Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, Vè série, T. III, p. 26-35

http://www.persee.fr/doc/bmsap_0301-8644_1902_num_3_1_6022


Ferdinand Delisle - Les déformations artificielles du crâne en France. Carte de leur distribution ; in Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, Vè série, T. III, p. 111-167

http://www.persee.fr/doc/bmsap_0301-8644_1902_num_3_1_6054


Johnathan C. Driver, Martin Handly, Knut R. Fladmark, D. Erle Nelson, Gregg M. Sullivan & Randal Preston - Stratigraphy, radiocarbn dating, and culture history of Charlie Lake Cave, British Columbia in Arctic, vol. 49, n° 3 (september 1996), p. 265-277


M. Duflot de Maufras - Exploration du territoire de l’Orégon, des Californies et de la Mer de Vermeille, exécutée pendant les années 1840, 1841 et 1842 ; Paris, 1844 (2 vol.)


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Mircea Eliade - Le sacré et le profane ; Folio, essais, Gallimard 1965


Véronique Gervais, Alain Ichon - "Paléoanthropologie des cimetières de la Campana à Mixco Viejo (Guatemala)" ; in Journal de la Société des Américanistes, T. 76, 1990, p. 55-77

http://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1990_num_76_1_1357


Mirko D. Grmek - Les maladies à l'aube de la civilisation occidentale, recherches sur la réalité pathologique dans le monde grec préhistorique, archaïque et classique. Payot, 1983


Bernard Guenée - La folie de Charles VI, Roi Bien-Aimé. Perrin, 2004


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Christiane Allenbach : http://peinturemamanlotus.fr/?tag=rituel-tibetain-trepanation